Pourquoi ai-je choisi ma chambre, comme terrain d’investigation à des histoires d’objets ? Buffon n’a-t-il écrit : « Engendrée un matin, à bord d’un vaisseau qu’elle n’a pas vu partir et qu’elle ne verra pas arriver, passagère agitée sur une terre qu’elle ne dirige pas, l’Humanité (…) qu’elle se remue à fond de cale ou sur le pont, qu’elle se précipite à la poupe ou à la proue, cela ne change rien à sa marche immuable… » (Ajoutez spatial au mot vaisseau, et vous voyez qu’à l’heure où l’on scrute l’univers pour découvrir des exoplanètes, ces lignes sont plus que jamais d’actualité). Parmi les infinies possibilités de s’agiter sur le bateau, j’ai choisi celle qui consiste à faire minutieusement l’inventaire du périmètre restreint qui entoure mon lit ; d’abord parce que, fatigué de tous ces déplacements dans l’espace qui ont été longtemps mon lot du fait de ma profession de grand reporter, -je ne m’en plains pas, bien au contraire ! -un voyage immobile autour de ma chambre m’a semblé être le meilleur moyen de ne pas la quitter complètement, cette profession ; et puis, mieux connaître notre planète en se déplaçant à travers l’espace ou à travers les objets qu’on voit chaque matin, en se réveillant, n’est-ce pas un peu la même chose ? La forme varie, le fond reste le même. La philosophie ne nous a-t-elle pas enseigné après Platon, que l’homme passait son temps à jouer aux quatre coins dans sa chambre ? La mienne est bleue, comme les rêves que j’y fais…